Magie de la cuisine… – Ma recette de pho

La cuisine voyage et fait voyager. Elle convoque des souvenirs, entretient des traditions et mue… J’ai découvert le phở, la soupe nationale vietnamienne, il y a plus 20 ans, dans le 13ème arrondissement de Paris ; ma belle-famille avait ses habitudes dans 2 ou 3 restaurants où se retrouvait toute la communauté vietnamienne de Paris. Et puis j’en ai dégusté au Vietnam, quelques années plus tard, au célèbre – à l’époque – Phở Pasteur de Saigon… Entre autres bien sûr, puisque cette soupe se retrouve dans tout le pays et que j’y suis allé de nombreuses fois. Et peu à peu le phở est devenu un de mes plats préférés… au monde !
Je l’ai tellement adopté que, pendant des années, j’en mangeais au moins un bol par semaine. Ce qui m’a aidé, c’est que j’ai longtemps travaillé dans le 13ème arrondissement et j’emmenais mes collègues et mes amis déjeuner dans le restaurant rue Nationale qui, pour moi, servait le meilleur. J’étais un habitué et le patron venait toujours me faire un brin de causette en prenant ma commande, en vietnamien que je parle un petit peu.
Et puis je suis devenu végétarien… Le phở est une soupe de bœuf (parfois de poulet) et même le bouillon est fait avec de la viande (beaucoup)… J’ai donc perdu le chemin du restaurant et j’ai dû me passer de ce rituel auquel j’étais très attaché.
J’ai découvert récemment une adresse à Paris qui sert un bon phở végétalien sinon, je n’avais plus guère l’occasion d’en déguster. Je me consolais au Vietnam où les restaurants bouddhistes servent des phở végétaliens (chay en viet) ou parfois aux Etats-Unis où j’en ai dégusté de très bons (un merveilleux à Portland cet été !). 

Bien sûr, j’avais l’envie de me lancer et d’élaborer ma version, mais cette soupe est un tel monument que je crois que j’étais intimidé… Ça m’a pris plusieurs années pour oser me lancer.

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Le phở, c’est avant tout un bouillon. C’est au bouillon que l’on juge la qualité du plat… le reste, c’est ce que l’on ajoute dans ce fameux bouillon au moment de servir et dans son bol à table. Alors comment retrouver ces parfums, cette densité, cette richesse et cet umami ? J’avais bien quelques idées, j’y pensais de temps en temps. Je crois que je n’ai jamais aussi longtemps réfléchi à une recette, moi qui cuisine de manière très spontanée, comme vous le savez.
Puis j’ai fini par me lancer et, si je vous ai parlé d’umami, ce n’est pas par hasard : la 5ème saveur, découverte et théorisée par les Japonais, le « goût savoureux », provient du glutamate présent naturellement dans la viande, la sauce de poisson mais aussi le thé vert, les tomates et… l’algue kombu ou les champignons shiitake (surtout séchés). Ce sont les bases du fameux bouillon dashi japonais (ici). J’ai donc fait un petit emprunt au Japon pour retrouver le goût tant aimé de ce bouillon vietnamien.
Ensuite j’ai utilisé les épices traditionnelles et les petits secrets que j’avais découverts au fil du temps, comme faire rôtir le gingembre et l’oignon avant de les plonger dans le bouillon. 

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Pour finir, la soupe phở est une soupe richement garnie avec des herbes, des pousses de soja, de la viande… J’ai appris de ma famille viet à ne pas lésiner sur ces herbes si délicieuses dans la cuisine vietnamienne – on ne voit presque pas le bouillon dans mes bols – . Je revois encore mon ex-belle-mère se disputer avec des restaurateurs trop chiches qui ne voulaient pas lui en rapporter pour en ajouter dans sa soupe… J’ai donc fait un tour à Belleville à Paris pour faire le plein d’herbes et, vous verrez, mes bols étaient bien garnis.
J’ai utilisé du seitan pour la partie « protéinée », mais j’aurais pu ajouter des champignons, du tofu… A vous de trouver ce qui vous plaît le plus. Et puis il ne faut pas oublier le piment, le citron que chacun presse dans son bol en commençant à déguster. Et aussi la petite coupelle de sauce brune et de sauce piment dans laquelle on trempera le seitan… tout un rituel. 
Faire, partager et déguster cette soupe m’a rendu incroyablement heureux. J’ai retrouvé quelque chose que j’avais perdu et, si être végéta*ien c’est bien sûr changer – avec bonheur pour moi – ses habitudes alimentaires, retrouver certains parfums aimés et associés à des souvenirs (souvent portés par les herbes et les condiments d’ailleurs) c’est juste magique ! 
Comme le « vrai » phở, cette soupe est simple à préparer mais elle demande pas mal d’ingrédients et de temps. Mais quel bonheur ! Denier détail, cette soupe se sert et se déguste brûlante, n’hésitez pas à chauffer vos bols avant de les garnir.
Je vous emmène et je vous raconte ! 

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Mon phở Chay

Ingrédients pour 4 à 6 grands bols (selon la taille et la quantité de garniture)

Le bouillon :

  • 3 litres d’eau
  • 7 cm de gingembre frais
  • 1 bel oignon
  • 6 clous de girofle
  • 3 anis étoilé (ou badiane)
  • 1 ou 2 cardamome(s) noire(s)
  • 1 bâton de cannelle (7 à 8 cm)
  • 1 petit morceau de macis (facultatif)
  • 15 cm d’algue kombu séchée 
  • 3 à 5 champignons shiitake séchés (selon la taille)
  • 1 petit bulbe de fenouil
  • 3 belles carottes
  • poireau
  • 1 c à soupe d’huile d’olive
  • 4 c à soupe de sauce de soja
  • Poivre

Pour garnir (à adapter à votre goût et à ce que vous trouverez) :

  • 250 à 300 g de seitan (le seitan gourmet grill de la marque Lima est parfait pour cette recette ; on peut aussi le faire soi-même)
  • 1 paquet de 250 g de nouilles plates de riz (appelées pho en viet)
  • 1 botte de basilic thai
  • 5 bouquets de coriandre vietnamienne (ngo gai)
  • 1 dizaine de ciboules (le blanc et le vert)
  • 1 petit bouquet de coriandre
  • 4 poignées de « pousse de soja » (voir ici)
  • 1 petit oignon
  • Sauce hoisin (en magasins asiatiques ; à défaut sauce bbq végé)
  • Sauce Sriracha (sauce pimentée forte)
  • 1 citrons verts
  • 1 ou 2 piments rouges

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Préparation

Le bouillon (le matin ou la veille) :

Dépoussiérez le kombu et les shiitake puis placez-les dans une cocotte avec 3 litres d’eau. Laissez reposer à température ambiante environ 3 heures (un peu plus si vous préférez mettre votre casserole au frais).

Retirez le kombu (il ne servira plus pour cette recette) et émincez les champignons puis replacez-les dans l’eau.

Faites rôtir l’oignon entier et le gingembre en tronçons directement sur la flamme du gaz (ou sous le grill d’un four). On peut aussi rôtir légèrement les épices mais je ne le fais pas.

Pelez, nettoyez tous vos légumes puis coupez-les en morceaux. Placez-les dans la cocotte. Ajoutez les épices, l’oignon entier, le gingembre en lamelles. Terminez par la sauce de soja, l’huile et poivrez.

Placez sur le feu et portez à ébullition. Ecumez soigneusement car il est important que le bouillon soit clair. Baissez alors le feu et laissez mijoter à couvert en laissant 2 ou 3cm d’ouverture pendant 1h30 à 2h.

Laissez refroidir (avec le couvercle) puis filtrez au chinois ou avec une gaze pour avoir un bouillon bien transparent. Réservez au frais jusqu’au moment de préparer les bols.

***

Le jour J :

Nettoyez soigneusement les herbes. Coupez les pieds, racines ou radicelles du ngo gai et des ciboules.

Effeuillez la moitié du basilic thaï (le reste ira sur la table). Coupez en tronçons la moitié du ngo gai (le reste ira également sur la table).

Hachez grossièrement la coriandre et émincez finement le vert des ciboules. Vous pouvez aussi préparer vos petites coupelles avec les deux sauces brune (hoisin ou bbq) et piment (Sriracha). On sert une coupelle par personne.

Placez le bouillon à réchauffer avec le blanc des ciboules dedans. Laissez-le se maintenir à tout petits bouillons jusqu’au moment de servir, avec le couvercle.

Emincez finement le seitan puis faites-le chauffer doucement dans une petite casserole avec une louche de bouillon et du poivre.

Emincez le plus finement possible l’oignon et placez-le dans un bol d’eau claire.

Rincez rapidement les pousses de soja et laissez-les égoutter jusqu’au moment de servir la soupe.

Faites cuire les vermicelles de riz selon les indications du paquet. Dès qu’elles sont cuites, placez-les dans une passoire sous l’eau froide. Quand elles sont bien refroidies, faites couler un peu d’eau chaude pour leur éviter de trop coller.

Placez un peu de vermicelles de riz dans chaque bol (vous pouvez les réchauffer préalablement en les plongeant dans le bouillon à l’aide d’une passoire).

Disposez des tranches de seitan encore chaudes et parsemez de pousses de soja.

Parsemez de basilic thaï, de ngo gai, coriandre hachée et de vert de ciboule émincées et, enfin, versez le bouillon brûlant.

Ajoutez quelques lamelles d’oignon et servez sans attendre.

Mettez sur la table du piment coupé en lamelles, du basilic thaï, du ngo gai et des pousses de soja que chacun pourra ajouter selon son goût à son bol.

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N’oubliez pas de donner à chacun un quartier de citron vert. On le presse dans son bol au moment de déguster et on ajoute, selon son goût, du piment.

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Bon appétit !

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17 réponses à “Magie de la cuisine… – Ma recette de pho

  1. Grand moment de Lutsubo Merci de nous le partager. Oui le voyage promis était au rdv déjà rien qu à la lecture
    Générosité dans les herbes, générosité dans le coeur!

  2. Cela fait terriblement envie, et me motive à partir en quête des ingrédients…cela me prendra peut-être un peu de temps mais ce sera encore plus merveilleux à déguster ! merci

    • Bonjour Alexandre,
      Je suis en train de faire cuire le bouillon (Ça sent déjà très très bon !) .En prévision de demain, à quel moment devrai-je incorporer la moitié du basilic thaï effeuillé et la moitié du ngo gai coupée en tronçons (dont tu parles au début de la partie « Jour J ») ? Après avoir versé le bouillon sur le seitan et les pousses de soja ? Merci pour ton aide !

      • Merci de tester. Ca me fait très plaisir. Oui, on ces herbes en même temps que la coriandre, la ciboule, le seitan, etc. Je l’ai précisé dans la recette grâce à toi. Merci !

  3. Bonjour Alexandre. Je conserve cette recette magnifique mais pour l’instant ni veggie ni vegan, je tatonne encore pour la soupe pho à la viande..Y’en a t-il une recette sur votre site? G pas trouvé. Merci de votre indication

  4. C’est émouvant pour moi de lire un tel « hymne » à cette soupe chère au cœur de tout Vietnamien, et je vous remercie pour ce monument de lyrisme et de sincérité, je retrouve toutes les bases et petits secrets, et le flexitarien que je suis deviendra certainement végétalien grâce à vous !

  5. J’ai testé cette de soupe phở ce week-end et je suis ravie de m’être lancée. J’ai déjà cuisiné une dizaines de recettes Lutsubo et je me suis régalée à chaque fois. Là, c’était la première fois que je m’aventurais dans une recette avec autant d’ingrédients 🙂
    En suivant scrupuleusement la recette pas à pas, le résultat a été une réussite, aussi bien visuellement que gustativement ! La soupe était savoureuse, très équilibrée en terme de goûts et très nourrissante. Merci pour cette première expérience de soupe phở !

  6. Pingback: Lutsubo express – Nouilles udon sautées au chou et au tofu fumé | Lutsubo·

  7. Bonjour Alexandre, moi même amoureux du pho de part mes origines à moitié vietnamienne, je recherchais un bon pho végétarien. Grâce à toi et à ta passion pour ce plat, je l ai trouvé! Et c est avec une immense joie et excitation que j ai réalisé ta recette hier : un véritable délice! J y ai ajouté ma touche perso : un peu de vinaigre de riz, de sucre et un élément non vg que je remplacerai peut être là prochaine fois: le nuoc mam. L idée du kombu et des shitake est excellentissime et donne à ce pho toute sa densité. Un grand merci, on la proposera sans doute lors des stages qu on organise à L Espace de la source. Je l appelerai alors Le Pho d Alexandre @Lutsubo Un grand merci. Kiet

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